Seul son saxophone la fait vibrer. Instrument qu’on imagine très peu joué par une jeune fille. Une passion qui est vite devenue sa raison de vivre. Son histoire tourne autour de la musique, des musiques, celles qui ont bercées son enfance en banlieue et celle qu’elle écoute à présent. L’écouter c’est plonger dans un univers en plein mouvement entre jazz et inspirations multiples. Avec Nathalie, on est tenté de dire qu’elle a l’art de faire arrêter le temps avec sa musique. Très sollicitée dans le ghetto parisien, la Togolaise ne se plaind pas. Rencontrée au festival Saga Africa à Hannut en Belgique aux côtés du zoukeur Béninois Richard Flash (qu’elle a accompagné sur scène), Nathalie a quand même eu le temps de se laisser découvrir. Rencontre avec une sidewoman qui monte.
Bonjour Nathalie. Les mélomanes Togolais ne vous connaissent pas; ou presque pas. Pouvez-vous avoir le plaisir de vous présenter ?
Bonjour ! Je m’appelle Nathalie AHADJI. Je suis originaire du Togo et je suis saxophoniste !
Quel est votre parcours musical ?
J’ai commencé l’apprentissage du saxophone vers 21 ans. J’avais toujours rêvé de faire de la musique mais sans jamais oser franchir le pas. Et un jour, je me suis lancée. J’ai d’abord pris des cours de solfège (théorie musicale) puis j’ai pris des cours d’instrument. J’ai eu la chance de recevoir une formation axée « jazz » dès le début. J’ai donc très vite commencé à improviser. J’ai également participé à de nombreuses masterclasses (ateliers) dirigés par de grands musiciens : David Murray, Ernesto Tito Puentes, Manu Dibango, Yacouba Moumouny, Jamaladeen Tacuma, James Newton, pour ne citer qu’eux !
Vous ne venez presque pas au Togo. Mais comment arrivez-vous à garder le contact avec la racine ?
Effectivement, je ne viens pas souvent au Togo mais je crois que je garde le contact en partie grâce à la musique. Mes collaborations avec des artistes africains en général et togolais en particulier sont de plus en plus fréquentes.
C’est quand même rare que des femmes s’intéressent à votre instrument de prédilection qui est le saxo. Depuis quand vous vous êtes intéressée à cet instrument qui donne désormais du sens à votre vie ?
Le saxophone est arrivé un peu par hasard dans ma vie. Au départ, j’étais plus attirée par un instrument à cordes frottées comme le violon ou le violoncelle. Il n’y avait pas de musiciens dans la famille mais une de mes sœurs s’était essayée au saxophone. Elle en a fait que quelques mois puis elle a arrêté. Lorsque j’ai commencé la formation musicale, j’ai demandé l’aide de ma mère pour m’acheter un violon. Elle m’a suggéré d’essayer le saxophone de ma sœur avant de me lancer. Et ça a été le coup de foudre !
Peut-on dire sans se tromper que vous êtes la seule saxophoniste togolaise ? Quel effet ca vous fait ?
Je ne sais pas si je suis la seule saxophoniste togolaise. J’en doute ! Quoi qu’il en soit cela n’a pas vraiment d’importance. Et je suis très heureuse que mes frères et sœurs togolais m’apportent soutien et encouragements régulièrement.
Si les femmes sont rares dans votre discipline, c’est qu’il y a surement des difficultés. Racontez-nous en quelques-unes. Des anecdotes si possible.
Les instruments à vent demandent juste une certaine synchronisation du geste et du souffle. Il faut pouvoir appuyer sur les clés ou les pistons tout en soufflant en même temps afin d’obtenir le bon son au bon moment. Mais ce n’est pas une difficulté majeure, juste un savoir-faire.
Je pense que les principales difficultés d’accès à l’instrument par la gente féminine ce sont les mentalités. Pour ma part, en commençant le saxophone, je ne me suis pas dis que je jouais un instrument « masculin ». Je me suis juste permise d’être en vibration avec cet instrument. D’ailleurs, je dis souvent que c’est le saxophone qui m’a choisie !
Une anecdote : Il y a 2 ans environ, j’étais en tournée avec un chanteur de pop/rock, Gaëtan Roussel. A la fin d’un concert, j’ai croisé 2 musiciens qui accompagnaient Fémi Kuti en tournée également. Nous avons commencé à discuter et ils m’ont demandé de leur présenter « le mec » qui jouait le saxophone baryton car ils avaient entendu la musique au loin mais n’avaient pas eu l’opportunité de le voir. J’ai donc rigolé en leur disant : « C’est moi « le mec » ! Ils sont restés pantois.
Comment êtes-vous tombée dans la sauce du jazz ?
Le jazz a toujours été présent autour de moi. Comme s’il m’habitait ! Mon père me berçait avec des cassettes de jazz lorsque j’étais bébé. En tout cas, je ressens de grandes vibrations lorsque j’écoute ou lorsque je joue cette musique.
Vous êtes Baryton-Tenor. Qu’est-ce-que c’est ? Et pourquoi êtes-vous plutôt portée vers cette tendance ?
Je joue principalement du saxophone ténor. Un saxophone que je trouve proche de la voix humaine dans la sonorité.
Depuis quelques années, je joue également du saxophone baryton plus gros et encore plus grave. Là, c’est carrément la voix du grand-père !
En gros, j’aime les sons graves !
Racontez-nous une journée type Nathalie Ahadji ?
On ne peut pas parler de journée type dans la vie d’un musicien ou d’une musicienne. C’est d’ailleurs la particularité de nos métiers en tant qu’artistes. Chaque jour est vraiment différent du précédent. Nous devons avoir multitudes de projets et de collaborations pour nous en sortir et pouvoir vivre de notre art.
Quelles ont été ou sont vos références dans l’instrument ?
Mes références en termes d’instrumentistes sont pour la plupart des jazzmen américains. Mon chouchou c’est Dexter Gordon sans oublier John Coltrane et Lester Young bien entendu.
Je m’inspire aussi de mes contemporains et même au féminin : Céline Bonacina, Lisa Cat-Berro ou Géraldine Laurent sont de fabuleuses saxophonistes que je vous invite à découvrir.
Quel est l’artiste togolais avec lequel vous avez dejà collaboré ?
Ma collaboration avec des artistes togolais s’est faite par le biais du Hip-Hop. J’ai croisé le chemin de Yao Bobby (des Djanta Kan) pour son album « Histoires d’un continent » (RFI Talent Édition).
Ensuite j’ai rencontré Elom 20ce pour son album « Analgezik » (Asrafo Records). Grâce à toutes les technologies nous avons pu faire un titre à distance, lui à Lomé et moi à Paris. C’était magique ! (rires…). D’autres collaborations sont en cours, mais c’est top secret !
Avec quel autre artiste Togolais souhaitez-vous collaborer ?
J’aimerais beaucoup collaborer avec Amen Viana, il le sait déjà ! Nous nous croisons de temps en temps. J’espère que cela se fera bientôt ! (rires…).
Vous avez dejà écouté King Mensah par exemple. Qu’est-ce-que vous pouvez apporter à sa musique ?
Je ne sais pas ce que je pourrais apporter à la musique de King Mensah. Ca me plairait bien qu’une rencontre musicale se fasse. J’ai eu la chance d’accompagner Richard Flash sur scène et il nous est arrivé de reprendre quelques tubes de King agrémentés de quelques notes de saxo, c’était cool !
Il parait que le projet d’album solo ne vous tente pas trop. Pourquoi ?
Effectivement, un projet solo demande un grand investissement de temps, de créativité et d’argent. Pour l’instant, je ne me sens pas prête pour cette aventure. Et puis, je prends encore et toujours beaucoup de plaisir à accompagner d’autres artistes.
Quand est-ce-que tes compatriotes peuvent-ils rêver te voir à Lomé (Togo) ?
Très prochainement je l’espère. Je n’ai pas encore de dates arrêtées mais les projets sont en discussion.
Encadré
* Les collaborations de Nathalie Ahadzi en tant que SideWoman:
2012 Amazon La, (soul créole), Ines Khai, Balata Music.
2011 Histoires d’un continent, (hip hop), Yao Bobby, RFI Talent Edition.
2010 Earth woman (soul jazz), Yasmine Kyd, Novela music.
2008 En marchant vers les soleil (hip-hop), Apkass, MVS Records.
2005 Musique du film l’Appel des arènes de Cheick N’Diaye.
2003 Wax da world, (electro-jazz) Album Number One, Khimusic.
2002 Les prisonniers de babylone, (reggae) Jah Prince and the Prophets, Tamamuzic