Elom 20ce : le nom ne laisse personne indifférent. Rappeur très prisé de la scène musicale togolaise, l’artiste a réussi à se tailler une place dans l’arène du rap africain. Incarnation du concept « arctiviste », combinaison de l’artiste et de l’activiste, le nommé Kossi Elom se dévoue corps et âme à un militantisme africain porté par l’art.
Son regard perçant sur son visage réfléchi contraste avec le personnage simple et décontracté que présente l’artiste. Une personnalité unique qu’Elom 20ce dégage dans sa musique qui reflète un style tout autant particulier. Cette musique, l’artiste la vit depuis déjà plus de 10 ans. Les années ont forgé Elom 20ce et l’ont modelé en un fervent panafricaniste engagé pour la cause du continent.
Cet engagement Elom Vince l’exprime dans ses textes et ses compositions. « Mon rap, ce sont les images qui relatent les faits de ma société, les questionnements sur mon époque et l’Homme, le fruit de mes réflexions en prose ou en rime. Le tout sur une musique qui a une âme ». Des créations qui l’ont amené à prester en Afrique de l’Ouest notamment au Ghana Bénin, Burkina Faso, Togo et en Europe (France et Allemagne). En 2010, l’artiste avait sorti le maxi « Légitime Défense » suivi deux années plus tard (en 2012) de l’ album « Analgézik ».
Les productions sont différentes mais l’instinct musical reste le même ; une musique traditionnelle traduite dans un style moderne teinté de profonde spiritualité. Les propos sont virulents, le punch est prononcé. Un schéma musical qui a valu à l’ artiste le surnom de »Griot contemporain ». « Elom 20ce est chrétien dans le sens de celui qui a Christ pour Modèle. Le Christ rebelle, révolutionnaire qui est venu bousculer les normes. Mais je suis attaché aux valeurs ancestrales de l’Afrique. Je pense qu’il y a des bonnes choses dans nos traditions et à force de tout ramener à l’ animisme synonyme de sauvagerie, on s’ampute une part importante de nous mêmes », précise le rappeur à cet effet.
C’est en quelque sorte une part de lui que l’artiste s’est amputée pour offrir à son public « Indigo », son nouvel album sorti le 11 décembre 2015. « Indigo c’est la douleur à son stade suprême. Comme quoi après Analgezik qui était censé arrêter la douleur, cette dernière persiste encore ». Mais au-delà de l’expression de la douleur, indigo est un chemin d’espoir, parsemé de rencontres vers une Afrique unie et consciente, rêve du rappeur togolais. Les collaborations sur l’album l’illustrent parfaitement. Tout un panel d’artistes y sont présents notamment le rappeur Le Bavar, du groupe La Rumeur, Oxmo Puccino, une grande figure du rap français , la chanteuse béninoise Pépé Oléka , le rappeur allemand Amewu et le ghanéen Blitz the Ambassador.
« C’est un album que je dédie donc à tous les anonymes, ces petits gens qui font battre le cœur de l’univers. Je pense à nos mères, aux vendeuses de haricot, de foufou, les cireurs de pompes, les maçons, tous ces gens qu’on ne considère pas. Indigo fait références aux indigents : les pauvres, les laissés pour compte, les parias. C’est un album inspiré par tous ces gens qui subissent le « code de l’indigénat » sous sa forme moderne…Ces damnés de la terre dont parle Fanon à qui je voulais faire un clin d’œil.Ce clin d’œil qui n’est pourtant forcément pas perçu comme un acte taquin ou un coucou gentil par les fans. Pour beaucoup, la plupart des titres comme « Les Cercueils sont individuels » et « Dead man walking », évocateurs de la mort , sont considérés comme « morbides » . Mais c’est surtout le titre « vodoo sakpata » ,nom du dieu de la terre dans la religion vodou , un dieu très redouté par les populations de la sous-région dont le clip est sorti en octobre 2015 qui attire l’ attention. Mais pour Elom 20ce ce choix s’explique.
« Il ne s’agit pas de faire peur aux gens. Là où les gens voient obligatoirement la religion, je vois la culture. La terre est une entité vivante, c’est d’elle que sort notre nourriture et l’eau qui nous abreuve. L’heure est aussi à la mise en garde : la terre part à la dérive par notre faute. Je veux parler de pollution, de dérèglement climatique mais aussi de racisme, de guerre, etc. L’appât démesuré du gain, au détriment de la valeur de ce qu’est l’humain. Je crains qu’elle ne se fâche et qu’un déluge ou autre calamité ne s’abatte sur nous », soutient l’artiste.
Outre la musique, Elom 20ce est également très présent sur la scène culturelle. Il organise régulièrement des projections de documentaires et des expositions relatifs à l’art africain. L’artiste se donne ainsi pour mission de mettre l’arsenal artistique au service du développement du continent africain. « Ce n’est pas assis à l’ombre de nos doutes, à réciter des versets que les choses vont changer. Il faut que nous croyions en nos capacités et qu’on aille bâtir des pyramides. S’éduquer et éduquer nos populations à travers l’art dans son ensemble : proverbes, contes, théâtre, musique urbaine, peinture, danse, etc. »
Autant dire que le jeune rappeur ne ménage rien pour faire bousculer les choses…