Adepte d’une world-musique aux consonances togolaises, Joe Sidney, de son vrai nom K.D.E.M Schuppius, architecte et urbaniste de profession, est aussi un passionné de dessin, de peinture, bref de l’art en général. www.tootogo.tv est allé pour vous à la découverte de ce surdoué pourtant très peu connu du public.
Bonjour Joe Sidney, qui êtes-vous concrètement ?
Bonjour Yves, Joe Sidney Schuppius est mon nom d’artiste. Je suis architecte (diplômé de l’école supérieure d’architecture de Paris) et urbaniste +hypermédia. L’hypermédia, c’est tout ce qui concerne l’art et les médias en général dont les images de synthèse, les 3D et cinéma 4D, les maquettes numériques, le « modeling », le management, le BIM etc. Je suis aussi musicien multi-instrumentiste, auteur compositeur, arrangeur, ingénieur de son. Je suis en même temps réalisateur et producteur.
Et vous êtes aussi artiste de la chanson ?
Tout à fait. Je suis passionné par la musique. Et cela, depuis l’école primaire où je n’aimais pas être dans les rangs mais plutôt derrière les tambourins style New Orléans qui rythmaient les pas pour la rentrée dans les classes. J’étais à la caisse claire et j’adorais. C’est pour ça que je suis devenu batteur percussionniste.
Bizarrement au Togo, on ne connait pas Joe Sidney. Vous êtes artiste de la diaspora togolaise vivant en France. Qu’est-ce qui fait que vous n’êtes pas si connu au Togo ?
Je suis un artiste international d’origine togolaise. J’ai plus évolué en Europe qu’en Afrique et quand je suis en Afrique, plus précisément au Togo, je n’ai pas envie de m’afficher en grand format A0 dans les rues, je suis très discret. Contrairement à ce que tu dis, je pense que les gens me connaissent plutôt pour les morceaux qui passent sur les antennes togolaises comme « Gbaga money », « Mamadémidogo », « Agama »….etc. Ceux qui me connaissent, m’interpellent comme ça : « Gadao (GadaoAyissélowooo) ! ». Ce que je veux faire connaitre ce n’est pas moi, mais mon art, et c’est ce que je fais de mieux. Je veux être libre, passer incognito et faire mes courses tranquillement. Je n’aime pas m’afficher beaucoup, et j’ai bien peur qu’avec vous, Yves, je risque de perdre la liberté de passer incognito.
En tant qu’artiste, ça vous plait comme cela de passer dans la rue incognito ?
Oui, je pense que je suis mieux comme ça, que les gens connaissent plutôt mon travail, mais pas ma personne. Et ça me convient. Je peux aller acheter des tomates, des avocats, faire mes courses sans être reconnu. Il y a cependant des personnes qui me reconnaissent, c’est pour ça que je préfère être extrêmement discret. Pourquoi ? Parce que c’est mon travail qui est important et pas ma personne. Ce que je fais, c’est sûr, c’est connu. Certains de mes morceaux sont bien connus ici, même si moi, je ne le suis pas, c’est vrai.
Vous êtes au Togo actuellement, est-ce que vous êtes venu dans le cadre de la promotion de vos œuvres ?
Je comprends votre question. Mon 1er album a été réalisé en 1999, le deuxième en 2000-2002. Cela arrive au Togo 10 ans plus tard. Mais le clip Gbaga money est sur les chaines togolaises depuis 2 ans, peut-être diffusé par Bokana Maiga…Je suis au Togo pour d’autres raisons mais puisque les médias me demandent d’avoir ces albums je les mets à leur disposition.
Vous faites quel genre de musique ?
En général, c’est de la world musique. Tout ça prend son essor dans le jazz, dans le gospel, dans la musique traditionnelle, dans les chants d’église et je me répète, ce qui donne l’afro jazz, la salsa, la rumba… un style éclectique au fait.
Est-ce que ça vous en dirait de faire des « featuring » avec certains artistes togolais, du moment où vous commencez à venir au Togo, à écouter quelques morceaux togolais ?
Pourquoi pas ? Je suis prêt à rencontrer les artistes qui veulent prendre contact avec moi. Et si on peut s’apporter quelque chose mutuellement, pourquoi pas ! Je suis très ouvert et même prêt à aider les artistes qui le veulent.
Quelques artistes ont déjà commencé à me contacter et je vais peut-être travailler avec eux. Mais c’est vrai que je ne suis pas très ancré dans la musique togolaise pour connaitre les vrais musiciens togolais d’aujourd’hui.
Qu’est-ce que ça vous dit les Toofan ? Qu’est-ce que ça vous dit les King Mensah, qu’est-ce que ça vous dit les Charles Ozzo et j’en passe ?
Ça ne me dit rien. Pourquoi ? Parce que je ne connais pas ces artistes- là. J’ai dû entendre les morceaux dans les rues de Lomé sans savoir qui c’était. Par contre, j’entends souvent ce nom « Toofan », donc je pense que c’est un des bons groupes togolais.
Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la musique togolaise dans son ensemble ?
Je vais vous dire quelque chose. Quand je fais un morceau comme « agama (gadaho) » par exemple, mon intention est de faire comprendre aux artistes togolais qu’on peut puiser dans les sources de la culture et tradition togolaises car le jazz, le blues ont pris leur essor en Afrique de l’Ouest, dans le golfe du Bénin principalement au Togo ou au Ghana. Et malgré cela, la musique du Togo n’est pas vraiment connue à l’étranger. Pour créer un engouement musical, il faudrait que les artistes togolais travaillent ensemble. Quand je faisais de la musique au Togo bien avant que je ne parte en Europe, nous, artistes togolais, étions ensembles, on travaillait ensemble, on s’estimait tous. On était tous fans les uns des autres. Mais aujourd’hui, j’ai l’impression que les artistes togolais sont plutôt en concurrence. Ils ne se considèrent pas comme des adversaires, mais comme des ennemis. C’est la guéguerre entre eux. « Pourquoi tu fais de la musique parce que moi j’en fais ? »Non ! Ce n’est pas normal et çà détruit l’environnement musical du Togo.
En France où vous vivez, êtes-vous beaucoup plus à l’aise avec votre art ? Est-ce que vous êtes accepté parmi la diaspora togolaise ou les français ?
Bien évidemment, je suis plus à l’aise en Europe car je rappelle qu’en France c’est la courtoisie qui domine. Ce n’est pas la concurrence mal placée comme ce qui se passe au Togo entre les artistes.
Quand je suis arrivé en France je n’avais aucune famille. Ma famille là-bas, c’étaient les européens car j’étais parmi eux pendant mes études. Non seulement c’est en France et en Europe que j’évolue le plus, mais c’est aussi là que je fais beaucoup de concerts, de réalisations artistiques. Les médias et même la diaspora ont besoin de mes compétences pour la réalisation de jingles, de clips, de décoration et création de plateaux télé, réalisation de pochettes de disques et d’affiches publicitaires, caméraman pour les TV et les tournages de films etc.
Oui, je suis à l’aise en Europe mais comme je l’ai déjà dit, c’est la nostalgie qui me fait revenir en Afrique, vers la terre de mes ancêtres. Et je suis aussi à l’aise en Afrique, le soleil dès le matin, et ceci tous les jours, les ambiances de rue, moins de contraintes… On ressent la vie et le plaisir de vivre. En Europe, c’est le « synthétic world ».
Si vous avez un conseil à donner aux artistes ou aux acteurs de la musique togolaise, que diriez-vous ?
Je dirais aux artistes togolais que l’art, c’est commun. L’art, ce n’est pas une propriété privée. J’ai même entendu des artistes qui passent dans les radios en disant « lui, il ne faut pas passer sa musique, parce que moi je fais une musique qui est meilleure que sa musique ». Non ! C’est tout ça le problème de la musique togolaise, c’est pourquoi elle n’avance pas. Moi, quand on me dit qu’il faut travailler avec les autres togolais, je dis ok d’accord. Je suis prêt à travailler avec les autres. Mais je ne suis pas prêt à me battre comme ils le font entre eux maintenant. On doit travailler ensemble, dans la bonne humeur, s’entraider…
Merci Joe Sidney
Je vous en prie et bravo à vous pour avoir réussi à me piéger et à avoir, ce qui est rare, une interview de moi!