Il est aujourd’hui un des acteurs majeurs du monde du showbiz togolais et est à la tête d’une des plus en vue des structures de production et de management des artistes. Lui, c’est Tam Akim Toutou dont le nom est devenu une ritournelle dans presque toutes les chansons faites au Togo. Tootogo.tv est parti à sa rencontre et vous lève le voile sur Fanga Music !
Bonjour Tam Akim Toutou, Il n y a plus une chanson togolaise où votre nom, tel un refrain ne revient sans cesse. Cela est dû à quoi ?
Rires… Ouais c’est souvent un clin d’œil que les artistes font peut être par rapport à un service rendu ou peut être aussi pour faire référence simplement à certaines compétence de la maison que je dirige, qui est Fanga Music ou encore des fois, pour faire la cour au producteur ou au promoteur culturel que je suis. Chacun a sa manière d’aborder les dédicaces dans les chansons, sinon à priori les dédicaces c’est juste un clin d’œil à l’endroit de quelqu’un qu’on aime spécialement ou qui a rendu un service.
Parlez-nous un peu de Fanga Music, c’est quoi exactement ?
Fanga Music, c’est un label de production. Un label sous forme d’association qui réunit et les artistes et les promoteurs et les journalistes culturels… enfin tout ce qui a compétence dans le monde culturel, dans l’industrie de la culture et, qui est porté vers le développement des talents artistiques, du développement soit dans la musique soit dans l’humour… En bref c’est un label comme l’est Sony Music ou Universal Music, qui produit manage et promeut des artistes
Et depuis quand est-ce-que cette structure est en place au Togo ?
L’histoire de Fanga Music remonte en fait à 2003, lorsque je me suis installé à Lomé (Togo). Fin 2003, début 2004 plus précisément. C’est parti d’abord du nom d’une association que j’avais mis en place et qui s’appelait la « FAC » : la force artistique et culturelle. En se développant on a voulu changer le nom qui est devenu Fanga Music. « Fanga » pour rester fidèle à « force » parce que « fanga » veut dire « force » en Tchokossi qui est ma langue maternelle. C’est aussi pour garder une identité africaine avec en filigrane, une certaine idée de l’unité africaine à travers ce mot qui revient dans pas mal de langues de pays de la sous-région comme au Mali, au Niger ou encore au Burkina-Faso et qui partout, à la même connotation de « Force », de « Puissance » pour exprimer notre ambition pour une culture africaine forte, facteur de développement. C’est un label qui s’occupe du développement artistique sous toutes les formes. On a créé ce que nous appelons une politique de 360 degrés qui englobe tout le processus, de la production jusqu’à la commercialisation…
Concrètement un artiste qui vient à vous, qu’espère-t-il de vous et quel peut être votre rôle à ses côtés ?
Voilà, il y a des artistes qui viennent à nous afin que nous soyons leurs producteurs c’est-à-dire de juste financier leur carrière et un producteur qui finance partage les retombés avec l’artiste. Il y a des artistes qui viennent à nous, pour que nous soyons seulement leur manager. Dans ce cas, nous ne finançons pas sa carrière mais nous occupons du développement, du placement c’est-à-dire de tout faire pour que ça génère des sous. Il y a encore des artistes qui nous approchent, exclusivement pour leur organiser leurs conférences de presse, leur lancement etc… ou alors, juste pour leur organiser un concert. Pour d’autres encore, on s’occupe de la production, on assure la direction artistique, on l’accompagne en studio, on lui montre comment interpréter une chanson etc… Je précise tout de même que nous ne sommes pas des formateurs en matière artistique. Nous formons certes dans l’administration culturelle mais nous ne formons pas quelqu’un pour devenir artiste. Nous nous contentons de mettre nos compétences au service de l’artiste pour l’aider à donner leur meilleur de lui-même, à mieux se mettre en valeur et à bien « le vendre ». Il faut aussi savoir qu’à Fanga Music, nous avons un code éthique auquel doit se conformer tout artiste qui souhaite notre accompagnement : nous n’allons que vers des produits qui sont moralement acceptables. Vous n’allez par exemple pas voir Fanga Music produire un album ou le vice et la voyoucratie sont célébrés. Nous nous intéressons aux produits socialement positifs…
Aujourd’hui quand on parle de Fanga Music, on pense automatiquement à Omar B ou Almok, vous n’avez que ces deux stars là sous votre houlette ?
En fait dans tout label, il y a toujours ceux-là qu’on appelle les lanternes ou les lampes. Chez Fanga, ces deux artistes sont du lot de ceux qui ont le plus eu du succès, les plus visibles aujourd’hui donc forcément et à juste titre, les références par rapport à Fanga Music, pour le grand public surtout. Sinon Il y a d’autres artistes avec qui nous travaillons, bien qu’ils ne soient plus aussi nombreux qu’avant. Nous avons comme je l’ai dit, une éthique et un canevas de travail que si vous ne respectez pas, empêche toute collaboration avec vous. Ceux qui sont là aujourd’hui sont ceux qui sont corrects avec nous.
Alors ; combien sont-ils finalement à Fanga Music ?
Aujourd’hui nous avons sept artistes avec qui nous évoluons, aussi bien des humoristes tels Folo ou Blaise, que des artistes de la chanson à l’instar de 109 Connexion, Omar B, Almok et Dieudonné, un artiste non voyant pétri de talent que vous aurez bientôt d’ici un mois, sur le devant de la scène. Il y a aussi Olibig que nous accompagnons sur un plan essentiellement managérial… Nous sommes en train d’étudier la possibilité d’investir le créneau de la danse, celle contemporaine ou encore le balle.
Quel regard portez-vous sur le monde du showbiz togolais ?
Je dirai en ce qui me concerne que j’ai eu la chance d’arriver au Togo à un moment où le showbiz véritablement démarrait avec le hip-hop. Certains avaient déjà balisé le chemin, posé une certaine fondation. Et si l’on compare la situation d’aujourd’hui à celle d’ il y a 10 ans, on a certes eu une grande évolution, dans la mesure où le meilleur groupe de variété, le plus sollicité en Afrique francophone bien sûr, est aujourd’hui TooFan. Ce qui pour le Togo est une grande première puisque cela avait toujours été l’apanage des ivoiriens ou autres congolais. Aujourd’hui Toofan arrive à faire de l’ombre à tous ceux-là et nous juche au sommet ! Malheureusement on est au sommet avec pratiquement un seul représentant ce qui fait que notre succès peut s’écrouler facilement et à n’importe quel moment. Pour éviter cela il va falloir que d’autres artistes togolais arrivent rapidement à ce niveau pour nous construire un règne solide et durable. Il n’y a pas longtemps, les artistes togolais sont sollicités partout dans la sous-région : Benin, Burkina etc… Et aussi, si vous considérez tous les concerts faits au Togo depuis le début de cette année, seul celui organisé par la Fondation Shéyi Emmanuel Adébayor a vu la participation de quelques artistes étrangers alors qu’avant, ils étaient de tous les shows. Cela prouve qu’aujourd’hui nous avons au Togo de bons artistes, de bons musiciens et chanteurs. La seule chose à craindre pourtant est la navigation à vue que pratique leur grande majorité. Nombre d’entre eux n’ont aucun plan de carrière, aucune stratégie et se contentent d’aller où le vent les porte, disparaissant aussi vite de la scène qu’ils étaient apparu. Le rêve serait de voir émerger chaque année deux ou trois bons artistes, capables de garder le sommet pour plus ou moins longtemps afin de renforcer ceux qui y sont déjà. Sinon si on se contente d’un certain Omar B, Almok ou Toofan et qu’il n’y a pas un renouvellement, de nouvelles inspirations, de nouveaux styles etc… on ne tiendrait pas longtemps.
Avec le succès de ceux que vous venez de citer à savoir Toofan ; Omar B et compagnie, beaucoup de jeunes ont tendance à croire qu’il est très facile aujourd’hui de réussir dans la musique et se ruent vers elle : vous confirmez ?
C’est pour nous autres une aubaine de voir beaucoup de jeunes tenter de faire carrière dans la musique ! Combien sont arrivés dans le domaine pour avoir vu Omar B ou Toofan chanter, mais qui eux aussi avaient en eux quelque talent enfoui qu’ils ont développé et qui ont réussi aujourd’hui à se faire une place et un nom dans le milieu. Ici comme ailleurs, c’est pareil : beaucoup sont appelés, peu sont élus…
Cela veut-il dire que de réussir dans la musique, reste quand-même facile ?
Je dis c’est la chose la plus difficile au monde. Ecrire les paroles, les mettre en musique, car il y’a très peu de compositeur au Togo, et ensuite faire que tout cela plaise à environ 6 millions de togolais ? Ce n’est pas donné ! Dans tous les domaines où il faut innover, créer, c’est toujours très difficile. Les statistiques sur le plan mondial, que ce soit dans le domaine du foot ou de la musique montrent que moins de 5% réussissent à réaliser leur rêves et au Togo, nous devons tourner autour de 1% !
Avec ce que vous dites, n’est-on pas en droit d’être critiques envers ces parents qui encouragent leurs rejetons vers la musique, un domaine à vous entendre pas évident ?
Une fois encore c’est comme au foot. La quasi-totalité des parents était opposé à ce que leurs enfants en fassent un métier. Mais depuis Adébayor, les choses ont changé et quand bien même ce que vous évoquez soit réel c’est un fait qui reste tout de même très mineur. Très peu de parents sont toujours disposés à voir leur enfant embrasser la carrière musicale du fait du très faible taux de réussite dans le métier mais encore et surtout à cause de l’image très négative que le domaine véhicule comme la débauche, la drogue etc… Certains parents, qui aiment vraiment cette forme d’art comprennent autrement la chose et quand ils décèlent quelque talent en leur progéniture, naturellement les y encouragent. Il y a plein de parents qui m’appelle pour me dire « Ouais mon fils, il peut réussir, il est bourré de talent, Ils vous demandent de « l’aider » » etc… Ils peuvent voir juste ou se tromper mais le mal est que quand ils se trompent beaucoup refusent de se rendre à l’évidence. On auditionne ou écoute des démos de leur petit, on se dit pas convaincus ou que l’on doute que l’enfant ait quelque talent que ce soit mais ils pensent qu’on ne veut juste pas les assister. Ils foncent quand même, hypothéquant l’avenir de leur gosse. Quoi qu’il en soit, nous on n’est pas des infaillibles, qu’on ait tort ou raison, le premier conseil que nous donnons à ces parents et à ces jeunes est de ne pas lâcher les études. Chez beaucoup, c’est la tendance dès qu’ils se projettent « star ». Qu’ils réussissent ou pas dans la musique, l’école demeure toujours un plus. Les bons textes de chanson, ne serait-ce que ça, nécessitent tout au moins un certain bagage intellectuel !
Est-ce qu’aujourd’hui la musique au Togo nourrit son homme ?
Eh oui, elle le fait et correctement du moment qu’on la prend au sérieux et qu’on la considère comme son métier. Car en fait seul un métier, seul le travail nourrit son homme. Voyez un monsieur comme King Mensah ou encore TooFan ou Omar B ? Ils vivent et très bien de la musique et pleins d’autres artistes le font et le feront longtemps à condition qu’ils gèrent bien leurs revenus, ce qui pour beaucoup, n’est pas évident. De l’autre côté si on la prend comme un divertissement ou un hobby, il faut ne pas en attendre grand-chose non plus.
On a longtemps entendu les artistes togolais de la musique pleurer le manque de producteurs, ça y est ? C’est résolu aujourd’hui ce problème ?
Pas du tout, sauf qu’on connait de nos jours une certaine amélioration dans la mesure où je peux vous citer plus de cinquante noms de personnes qui ont depuis 2002 mis du fric dans la musique. Beaucoup c‘est vrai sont sorti du milieu faute de retombés et de la lenteur qu’il y’a, dans les cas où c’est possible, à recouvrer ne serait-ce que son investissement. C’est un domaine où la rentabilité n’est pas automatique. Si l’on veut produire un artiste, tout le processus, du studio aux clips vidéo, tourne autour de 5 millions pour un album et le retour sur investissement est extrêmement lent. Au bout de 1 an vous n’avez des fois même pas encore 1 million, ce qui franchement n’est pas encourageant. Au Togo d’ailleurs ceux qui mettent l’argent dans le business musical sont à 90 % des mécènes comme l’a montré une enquête réalisée du temps où j’étais encore à la radio (Zéphyr en tant que directeur). C’est soit un oncle soit un ami ou autre qui par amour pour la chose finance l’artiste. A côté ; il y’a des structures de production qui se battent aussi aux cotés des artistes mais qui seules ne peuvent pas porter cette lourde charge. A Fanga Music par exemple, pour sortir seulement 4 albums, vous voyez ce que cela demande comme chiffres à mettre ! Donc ce n’est pas évident. Aussi, vous pouvez voir des structures de production qui n’ont plus que deux ou parfois même un seul artiste alors qu’ils avaient commencé avec tout un tas mais dont les mauvais comportements ont incité à s’en séparer. C’est que souvent, quand un artiste vient vers vous, il a un gros besoin, il veut réussir, se plies en quatre, respecte les engagements et tout. Mais dès que les choses commencent à marcher pour lui le voilà qui choppe la grosse tête. Il pense qu’il est le boss et que le producteur, quand il veut toucher sa part des retombés, s’enrichit sur son dos. Il y en qui ont fini par dire qu’ils n’ont plus besoin de producteur et se sont permis de vilipender ceux qui les ont aidé à sortir de l’ombre. Ce genre de choses a aussi découragé plein de producteurs qui ne sont pas essentiellement venu à la musique pour s’enrichir mais plutôt par passion car souvent c’est des gens qui ont d’autres affaires bien plus florissantes. Mais toujours est-il qu’il y a des gens qui continuent toujours à y croire à travers des structures comme Doc Industry, Face to Face…
A Fanga Music, vous ne signez que les musiciens et humoristes ?
La musique et l’humour sont nos domaines et c’est avec ça que nous avons commencé. Vous savez, avant de valoriser un domaine artistique, de le vendre il faut soi-même le maitriser d’abord. Tout le staff de Fanga Music a été nourri à la chose musicale et humoristique. C’est notre matière, notre domaine et pour le moment, c’est ce qu’on sait faire le mieux…
Alors dans ce domaine donc, qu’avez-vous eu à faire dont vous soyez particulièrement fier… un fait d’arme mémorable par exemple ?
Le grand coup, qui m’a marqué dans mon travail à Fanga Music personnellement, est le jour où mon téléphone a sonné et qu’à l’autre bout de la ligne, c’était DAOUDA le sentimental qui demandait à ce qu’on le manage au Togo ! Cette immense star ivoirienne qui tutoyait déjà les sommets alors que j’étais encore marmot ! Ce jour-là je me suis dit que Fanga a entre-temps fait du bon boulot car Daouda, il en a vu des tonnes et s’il nous choisit, c’est que nous valons vraiment quelque chose ! L’autre fait marquant est quand nous sommes arrivé à faire le plein du « Palais des Congrès » (environ 3000 spectateurs) avec un concept 100% local alors qu’on nous disait que sans star étrangère de renom, on n’y arriverait jamais. C’était la première fois que le palais se remplissait juste pour voir que du togolais et avec ça, un mythe est tombé. Grace à ce précédent, beaucoup sont parti à l’assaut du palais et ont tant bien que mal réussi leur coup. On a en quelque sorte, rendu le palais accessible aux artistes togolais et on en est fier !
Justement, parlant de spectacles nous sommes toujours dans les grandes vacances scolaires, périodes par excellence de spectacles et autres. Qu’y a-t-il en ce sens à l’agenda de Fanga Music ?
Vous avez sans doute remarqué que depuis le 1er Janvier c’est très maigre de notre côté pour ce qui est des spectacles. Cela est dû aux dernières élections législatives dont on ne connaissait exactement pas quand elles allaient avoir lieu. Par rapport à ça et par mesure de prudence on n’a non plus pas essayé de faire de quelconques programmations qui ne seraient que hasardeuses. Sinon pour ces vacances, nous avons activement participé au concert humoristique du 25 Août dernier pour soutenir Togan ainsi que notre traditionnel concours de rap, hip-hop et break-dance, le Fat Jam qui a connu son apothéose le 1er Septembre 2013 au stade municipal de Lomé…
Est-ce à dire que pour ces vacances, c’est bouclé à Fanga Music ?
Exactement… mais vous savez, l’année continue.
Sûr! Merci Tam Akim Toutou
Merci à tootogo.tv pour son soutien très apprécié au monde de l’art et de la culture togolaise. Bien de choses à vos lectrices et lecteurs.