Le secteur du cinéma fait l’objet de convoitise dans bien de pays ces dernières années. C’est un domaine économique très fort avec un potentiel d’employabilité assez éloquent.
Le cinéma Togolais dont les prémisses remontent des années 1992 au terme de sa coproduction avec la suisse et le Burkina-Faso sur les films « Ashakara » et « Yelbeedo » et du film « Kawilasi » primé par le PNUD, ne connaît pratiquement pas un succès commercial tant sur le marché intérieur que sur le marché extérieur. Et pourtant le Togo est un marché pour les films mais « ce qu’on croit les plus proches ont les coups les plus durs ». Paradoxe affirmé par le cinéaste et producteur Blaise Kilizou ABALO dans cette interview exclusive avec Tootogo.org où il se prononce sur la dimension du cinéma Togolais. Kilizou est une grosse pointure du cinéma qui pense qu’il faut susciter un tic dans l’esprit des autorités qui ont pris le cinéma comme les « trucs sociaux ».
Mr ABALO bonjour, dans les années 70 on vous connaissait diplômé en psycho pédagogie de l’enseignement et après l’Ecole Normale Supérieure (ENS) d’Atakpamé où votre numéro matricule est 1, comment vous retrouvez-vous cinéaste ?
Je pense que le métier de cinéma était une option depuis l’ENS vers les années 1968-1970. D’ailleurs quand j’étais à l’école primaire je faisais déjà les photos et les diapositives et à l’ENS j’étais le Responsable du cercle d’étude en Audiovisuel. A la sortie, j’ai créé l’école expérimentale à Sokodé et quelques années après, je me suis retrouvé à l’Institut National Pédagogique (INP). De là, j’ai été envoyé à Bouaké pour l’enseignement télévisuel. Ainsi la notion du cinéma germait dans ma tête et grâce au documentaire sur Félix Houphouët Boigny que j’ai vu en côte d’Ivoire, dès mon retour à Lomé j’ai constitué un dossier que j’ai remis à Mr Yaya MALOU le Ministre de l’Enseignement d’alors. D’où est sorti « 10 ans de pouvoir » tourné en 90 min. Le documentaire a été présenté à Moscou et j’ai pris goût parce que j’étais rompu par le contact du public. J’ai compris qu’en faisant le cinéma, je pouvais m’adresser à un public plus large. Pour me perfectionner je suis rentré à l’INAFEC (Institut Africain d’Etude Cinématographique) et après une Licence en cinéma l’élan du cinéaste est adopté.
Et comment allait le cinéma togolais dans ces années ?
Dans la sous région il n’y avait pas de pays avancé en cinéma. Je dirais que le Togo était déjà bien en image. Puisqu’à l’époque dans les années 1976, on tournait déjà à CINEATO en inversible. Le tournage était en blanc noir et grâce au projecteur 16 ou 35mm on passait déjà l’actualité à la Télévision nationale. Donc le Togo avait la culture de l’image mais il n’y avait pas de films en tant que tels.
Mais en 1992 on voyait ce cinéma venir malgré la période sombre que traversait le pays.
Effectivement mais vous savez, depuis l’époque le Togo n’avait pas pris le cinéma comme une priorité bien qu’on soit rompu en matière de théâtre. Il y avait une latence au niveau de la production cinématographique. Le FESPACO qui a été un élément de motivation ne disait rien au pays. C’est en 1992 justement après la coproduction qu’il a été question que le Togo expérimente sa coproduction. C’est comme cela que le dossier de « Kawilasi » tourné cette année là a été introduit à la 14ème édition du Festival FESPACO en 1995 et on a reçu le prix de Développement Humain Durable donné par le PNUD. C’est une première pour le Togo et pourtant si vous regardez l’histoire du pays en cette année tout le monde était sur les braises.
Malheureusement 14 ans durant, ce sourire a été perdu. Ne trouvez vous pas gênant de n’être pas arrivé à revitaliser le cinéma togolais qui nécessite pour ce faire une expertise pointue comme la vôtre ?
La culture en quelque sorte devrait être une chose commune. « Kawilasi » n’a pas eu de promotion comme il le fallait et pour cause les films africains manquent de budget de promotion avec nos partenaires du nord qui sont très pointés et avec toutes les charges possibles, le financement n’est pas régulier. L’état intervient souvent mais à 40 ou 25% du budget du film. Avec l’avènement du numérique nous pouvons tourner plusieurs films mais nous sommes à une époque où l’économie du pays est toujours chancelante. Il y a trop de problème et le budget d’un Etat ne peut pas tourner trois films dans l’année. Donc un Etat ne peut pas se targuer à réaliser les films avec son budget.