Interview de l’association « Rêves d’Afrique » pour le site www.tootogo.org – Luxembourg, le 20 août 2009.
Comment est née l’association « Rêves d’Afrique » ?
Officiellement, l’association a été enregistrée le 15 mai 2008 au Registre du Commerce et des Sociétés du Luxembourg ; vous verrez donc que nous sommes encore tout jeunes (rires !). Officiellement, l’idée associative a pris forme à l’occasion de la Semaine Africaine organisée dans le Gründ du 14 au 19 août 2007. Cette Semaine Africaine faisait partie de la programmation du Festival « 1492 + 2007 = Pour une nouvelle découverte » – soutenu et financé par le projet « Luxembourg 2007, capitale européenne de la culture – qui a eu pour ambition pendant les deux mois de l’été 2007 d’exposer les différentes cultures des cinq continents en insistant sur les points communs et non les différences. La Semaine Africaine, qui a clôturé le Festival, nous a permis de réaliser à quel point le public luxembourgeois était à la fois vierge de connaissances sur l’Afrique (en dehors des images stéréotypées que la télévision voulait bien montrer) et désireux de découvrir et de combler leur méconnaissance ou mauvaise connaissance. Cette Semaine nous a aussi appris que malgré les différences qui existent dans l’expression de sa culture, l’Homme finalement chérit les mêmes valeurs : sa famille, son environnement, son travail, les arts (culinaire, musical, littéraire etc.), l’épanouissement. Et c’est cela que nous mettons à cœur de démontrer : tout en étant unique, l’homme africain est avant tout un homme comme les autres…
Pourquoi cette dénomination « Rêves d’Afrique » ?
Rires ! Parce que nous avons de nombreux rêves. Pour paraphraser le Dr Martin Luther King, nous rêvons d’un monde nettoyé des inégalités sociales, des préjugés raciaux, de la pauvreté et de la guerre. Nous rêvons avant tout d’un monde où l’Afrique puisse être fière d’elle et où l’on puisse être fier de l’Afrique à l’instar des autres continents. Où les mots sous-développement, tiers-monde, etc. n’aient plus leur place. Nous savons pertinemment qu’il faudra encore du temps avant que ces rêves puissent devenir réalité, mais continuons de rêver car il n’y a pas pire qu’un homme qui a perdu tout espoir.
Comment pensez-vous réaliser vos rêves ?
Sans être des sociologues et des économistes avertis, nous pensons toutefois que deux écoles s’affrontent quant aux sources du développement de l’Afrique : une qui pense que le développement doit d’abord être économique ; en d’autres termes le ventre qui a faim n’a point d’oreille et est facilement corruptible. Une deuxième qui pense que le développement ne peut passer que par la voie culturelle. Nous sommes plutôt enclins à pencher vers la deuxième solution car nous pensons que la culture d’un homme, ses racines, sa fierté provient de sa mémoire et de ce qu’il peut témoigner et offrir aux autres. Réaliser nos rêves, c’est donc mettre à l’honneur la/les culture(s) africaine(s) dans toute manifestation culturelle au Luxembourg. Grignoter tout doucement l’espace public afin de montrer une face positive (et combien immense) de ce continent, qualifié de berceau de l’humanité.
Quelles sont les activités que vous proposez ?
Nous avons donc commencé par la Semaine Africaine en 2007, que nous ne désespérons pas d’organiser de nouveau dès que l’occasion se présentera. Depuis trois ans, nous tenons également un stand de littérature africaine dans le cadre du Salon du Livre et des Cultures, organisé généralement le deuxième week-end de mars à LuxExpo-Kirchberg par le CLAE. Nous avons organisé en mars dernier la première « Nuit Blanche de l’Humour Noir » au sein de l’Abbaye de Neumünster dans le cadre du Festival « Humour pour la Paix ». Pour la rentrée prochaine, nous essayons de mettre en place des cours de danse et de percussion africaines (rien n’est encore sûr, mais nous croisons les doigts) ainsi que des cycles de conférence dans les écoles primaires et les lycées sur les thèmes du racisme, de l’acceptation de la différence, etc.
Pensez-vous que l’Afrique soit suffisamment présente sur la place luxembourgeoise ?
Il y a quelques années, clairement pas ; mais tout doucement, les choses commencent à se mettre en place. Déjà, la diaspora (si je puis utiliser ce terme) africaine est de plus en plus nombreuse et peut-être présente aussi. On sent qu’un certain dynamisme est en train de prendre forme et ce n’est qu’à encourager.
Comment voyez-vous la place de la diaspora africaine au Luxembourg ?
La diaspora africaine doit être celle qui doit montrer l’exemple, aider à casser les préjugés. Heureusement, au Luxembourg, contrairement à d’autres pays européens, les frictions entre les minorités africaines et la population locale sont moindres (attention, je n’ai pas dit inexistante). Mon sentiment général est que les gens sont parfois ignorants, mais toujours curieux. A nous de leur apprendre nos cultures. Le temps n’est plus à la timidité ou à l’assimilation, mais à l’intégration dans la fierté de sa culture d’origine.
Pensez-vous que des actions qui ne sont pas directement menées sur le continent africain puissent lui servir ?
Toute action en faveur de la promotion de l’Afrique, à condition qu’elle soit sérieusement pensée et organisée, ne peut être que positive selon moi. L’idéal étant de mener des actions exogènes (à destination de personnes extérieures à un milieu) même si les actions endogènes (uniquement au sein d’un milieu, d’une communauté) ne sont pas nécessairement à critiquer car elles permettent un travail de mémoire, la persévérance de tradition, des retrouvailles tout simplement, qui sont naturelles et généralisées chez tout groupe d’individus de même culture qui se retrouve hors de chez soi.
Pensez-vous que l’Afrique pourra bénéficier du phénomène de la mondialisation pour voir son / ses économie(s) émerger ?
Pas sûr. Il faut faire très attention à ce que la mondialisation ne noie pas encore un peu plus les cultures africaines. La mondialisation ne peut être positive que si elle est choisie et non pas imposée à l’Afrique et si l’Afrique arrive à faire le tri entre ce qui est bon pour elle et ce dont elle ne veut pas.
Comment voyez-vous la synergie entre le développement économique et la sensibilisation culturelle ?
Nous en avons déjà parlé plus haut. Je pense que les deux vont de pair. Toutefois, je pense que l’âme d’un homme réside d’abord dans sa richesse culturelle avant de voir la richesse matérielle. Maintenant, cette question soulève un vaste débat, dont je ne suis pas sûre de détenir toutes les armes pour pouvoir l’engager sereinement. Rires ! Je pense surtout que malheureusement, quand on vit avec moins d’un repas par jour, on ne pense pas toujours à ce que représente le poids de la culture dans son épanouissement personnel.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Beaucoup de courage, car notre activité associative est couplée avec nos occupations professionnelles et personnelles respectives et il n’est pas toujours facile de ménager les différents centres d’intérêt. Et surtout une audience plus grande à la fois au sein de la communauté africaine et de la population locale car nous ne nous sommes lancés dans cette aventure associative que pour que le plus grand nombre puisse venir écouter ce que des écrivains africains ont à dire, lire leurs écrits, assister à une exposition de peinture, à un concert, à une soirée humoristique …et méditer sur ce que l’on a appris et en parler autour de soi. C’est comme cela que se répand la culture.