« Le mannequinat togolais est très médiocre »

Active, féminine, élégante et de nature, Sylvie Bil Kataria est une femme joviale et positive. Sa sensibilité à l’expression artistique et son imagination fertile lui ont permis de s’intéresser à l’univers de la mode et de comprendre qu’il y avait de la matière à exploiter. Pendant 10 ans, elle s’est donnée à un métier quasiment inconnu mais vital pour un défilé de mode: chef de cabine. Sans complexe, elle nous laisse découvrir cet univers.

Qui est Sylvie Bil Kataria ?

J’ai pour passion la mode, et je suis devenue chef cabine de défilé mode. Née au Cameroun où j’ai commencé mes études, je les ai poursuivies ici au Togo au Collège Saint-Joseph puis à l’Université de Lomé. Je peux dire que je suis arrivée accidentellement dans la mode.

Comment peut-on résumer ton parcours ?

 

Je ne suis pas arrivée directement en tant que chef cabine de défilé de mode. J’ai fais mon bonhomme de chemin comme toute jeune fille dans le mannequinat. J’ai rencontré par la suite Bamondi et Hervé Pana qui m’ont appris l’autre coté du podium, c’est-à-dire les coulisses. J’ai vraiment aimé. Ma taille faisait défaut. Je ne fais que 1,70 m et je n’arrivais pas souvent à concurrencer ceux qui sont dans les 1,72 m ou 1,74m. Je n’ai pas été reçu à un casting et on m’a demandé de travailler dans les coulisses. Partant de là, un métier est né sans que je ne le sache.

Que fais une chef cabine de défilé de mode ?

D’entrée, c’est un métier qui n’est vraiment pas connu. Il y a beaucoup qui ne savent pas l’utilité d’une chef cabine. C’est un peu dommage. C’est nous qui faisons (et défaisons) les défilés. C’est comme un arbitre sur un terrain. Un match qui est très bien arbitré, le spectacle est parfait. Mais, si l’arbitre ne joue pas bien son rôle, on n’a pas un match. Ceci étant, si un chef cabine ne joue pas bien son rôle, le défilé est très mal fait, et on perd la création. Tout le travail du styliste est à l’eau. Une fois que la chef cabine est intégrée dans ses fonctions, elle prend contact avec les mannequins, elle assiste au casting, aux essayages, à l’ordre de passage, à la chorégraphie. Dans les coulisses, elle est même temps responsable des accessoiristes, des coiffeuses, des habilleuses (qui habillent et déshabillent les mannequins) pour que ca aille plus vite, que le défilé ne soit pas monotone pour que les spectateurs restent sur leur soif.

Le métier de chef cabine a-t-il de l’avenir ?

C’est un métier qui nourrit son homme sinon j’aurais abandonné depuis. Je suis chef de cabine freelance. Mais en Europe, une grande maison comme Channel, Dior…ont leurs chefs de cabine qui organisent tout. Ces gens vivent mieux du métier que nous.

Qui peut être chef de cabine ?

Toute personne en possession de ses qualités mentales et qui a vraiment une passion pour la mode. Mais surtout les anciens mannequins et les chorégraphes peuvent être chef de cabine.

Des difficultés liées à ce métier ?

C’est souvent au cours des castings.

Combien de défilés à ton actif ? Tous les grands défilés au Togo. Que ce soit Alokpa, Vlisco, Bimod, Siao (Burkina-Faso), Festanova (Tchad), Gospel & Racines (Benin)… et plein d’autres.

Que fais-tu quand les défilés se font rares ?

Sylvie peut être une parfaite secrétaire, une hôtesse pour les diner, l’accueil, former des hôtesses…Beaucoup d’initiatives qu’elle veut entreprendre, mais c’est les finances qui font défaut.

Combien peut gagner un chef cabine sur un évènement ?

La base, c’est 50 000 F cfa. Ça peut aller jusqu’au million.

L’Homosexualité dans la mode ?

On en parle souvent, mais je ne suis jamais confrontée à ca. Je ne veux pas le confirmer ou infirmer. Je suis dans mon rôle.

Ton plus grand succès ?

Tous les défilés que j’ai coachés.

Moments difficiles dans les coulisses ?

Les débuts de défilé et l’indiscipline de certains mannequins. Vous donnez le top pour le défilé et vous voyez des mannequins qui sont encore devant le miroir en train de refaire leur maquillage…Ca énerve, mais on est de professionnels et on sait gérer tout ca.

Arrive-t-il des bagarres dans les coulisses ?

Oui, il arrive des moments de tension, des échanges de mots. ..Aussitôt que le ton monte, ca diminue en même temps, car il y va de leur image et de leur cachet.

Ton mannequin préféré ?

Le mannequin qui est professionnel, qui sait quand et comment faire son travail sans trop se la jouer, c’est ce mannequin qui me plait le plus.

Un regard sur le mannequinat togolais ?

Le mannequinat togolais est très médiocre. Les filles ne savent pas ce qu’elles veulent. Elles ne savent même pas ce qu’elles font. Pour elles, elles sont minces, elles arrivent à marcher sur des talons, elles viennent et font un à deux entrainements et elles disparaissent. Parfois, c’est parce qu’il n’y a pas de meilleurs qu’on les prend pour défilé et elles se disent top models ou mannequin, refusant de suivre les conseils des moniteurs et autres encadreurs. C’est bien dommage ! Après les défilés, vous les voyez se vautrer dans des voitures des inconnus qui les traitent comme des objets. Vous les voyez se trainer dans les rues. Elles dévalorisent ainsi le métier, et leur valeur de femme.

Plat préféré ? Je ne mange pas trop ; mais j’ai une préférence pour la pate et yébésséssi (mélange de tomate frais et du piment).

Personnage historique préféré ? Mère Theresa, et Akofa Akoussah sur le plan culturel.

Devise ? La simplicité dans l’élégance.

Trait de caractère que tu déplores toi-même ? Trop gentil, et ca me joue des tours ; mais à chaque fois je recommence toujours. Je ne sais pas pourquoi.

Ce que tu déteste le plus au monde ? La non maitrise de soi.

Sylvie est-elle un cœur à prendre ? Plus maintenant.

Ambitions ? Relever le niveau du mannequinat togolais.

Un coup de gueule ? J’aimerais que les autorités togolaises voient un peu du coté de la mode togolaise. Vous causez avec Desmo, Chris de Mens, Ayannick, Bamondi, Timothée …, ils ont tous des projets qu’ils du mal à réaliser parce qu’il n’y a pas de soutien. Il n’y a pas grand divertissement dans la ville. L’organisation de ces évènements peut permettre aux jeunes de s’occuper.

Un cri de cœur ? Je lance un appel aux jeunes filles qui figurent souvent dans les clips. Pourquoi les hommes sont tous habillés et elles sont dénudées ?

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