Roger Atikpo : « Je pense à la relève »

Conteur, comédien, metteur en scène, chanteur, musicien, il pratique la kora ainsi que les flûtes traditionnelles et modernes. Il a été sacré meilleur comédien et metteur en scène en 2003 et 1995 au FESTHEF et en 1994 par le Ministère des Arts et du spectacle à Lomé, au Togo. Des dizaines de créations s’en suivent. Et l’artiste ne s’arrête pas là. Un break ce 14 avril 2012 juste après une soirée de conte à l’institut Goethe de Lomé. Il nous parle.

Comment êtes-vous tombé dans la sauce de l’art ?

C’est parti comme ça d’un truc tout banal des camps des pêcheurs. Mais il y’a surtout quelque chose qui a retenu l’attention du petit garçon que j’étais. C’était dans cet institut de Goethe. C’est pourquoi parfois j’adore jouer sur cette scène du Goethe institut. On était en 1987 1988 comme ça, et j’étais venu voir un spectacle ici joué par une compagnie togolaise «Les étiques ». Là, je parlerais de Sanvee Alouwossio, je parlerais de mon maître de kora Corneille Kossi Akpovi paix à son âme, je parlerais de Sylvain Méhoun, Anani Gbétéglo et d’Abalo Houngbédji . Donc cinq grands frères conteurs qui m’ont vraiment touchés. Et surtout un instrument, la kora, que je découvrais sur scène et depuis lors tout est parti de là.

Vous aviez quel âge à l’époque ?

Je devais avoir dans les dix-huit ans.

Aujourd’hui pour que vous arrivez à vous exprimez avec autant de tact sur scène vous avez certainement vécu au village…

(Rires…) pas du tout j’ai grandi à Kodjoviakopé ça sent le village dedans ? Le village des Kodjovia. J’y ai grandi mais …non, non, je crois que j’ai eu la chance d’approcher des gens assez généreux qui ont aimé partager avec moi leur connaissance. C’est une chance pour moi je pense.

Roger Atikpo, tantôt conteur, tantôt griot ?

Le griot ça c’est assez lourd à porter comme titre. Quand on me demande êtes vous griot ?je dis non et oui !!! Oui et non ! Je suis griot par adoption pourquoi ? Parce que je suis togolais, je suis Ewe, et dans ma culture Ewé de Kodjoviakopé, on ne sait pas ce qu’on appelle griot. Même si on a des gens qu’on appelle griot. Le griot dans le Mandingue. Là je partirais carrément dans le Mandingue qui rassemble aujourd’hui le Mali, le Sénégal, la Sierra-Léone la Guinée-Bissau, la Gambie, cette grande contrée qui représentait le Mandingue à une culture ou à une place très, très privilégiée pour le griot : le maître de la parole. Celui qui est censé parlé et que tout le monde doit écouter. Il parle à la place du roi. Le griot c’est ce lui là qui sait manier la langue.

Dans notre culture togolaise et particulièrement chez les Ewé, on n’a pas ce griot qui accompagne les riches ?

On en a oui. Mais ce n’est pas la même chose. Ce qui fait que pour être griot, il faut faire partie de cette lignée de griot Mandingue ou se faire adopter. Évidement c’est mon cas, j’ai été adopté par le maître Madi Kouyaté. Il est de la Guinée Conakry. Mon maître là par contre a été initié et adopté par Sidiki Diabaté (paix à son âme) qui a son fils Toumani Diabaté qui est notre Dieu de la kora.

Comment vous arrivez à avoir tous ces contes ? Vous les inventez ?

Je dis toujours que je suis entrain de redire la parole. C’est comme on nous dit que tout y est déjà. On n’invente rien. Rien ne se perd rien ne se crée, on transforme tout. Parole que j’ai déjà écouté et que je redis. C’est des choses que j’ai écouté quand j’étais petit. Des histoires que j’ai écoutées quand j’étais dans le marché ou dans le taxi. C’est des histoires que j’ai aussi lues partout. Et que je réadapte. C’est ça qui fait cette priorité que je donne peut être au texte que je dis, d’écouter quelques choses et de ramener cette chose dans ma culture de lui trouver des chants. C’est comme un tableau que je dessine. Un tableau qui représente peut- être un humain. Il lui faut trouver une tête, il lui faut un bras, donc je reviens chez moi à Kodjoviakopé, je lui trouve un chant, qui lui servira peut-être de pattes, je lui trouverai quelques jurons qui lui serviront de griffes, de cheveux, et je construis assez souvent mes contes comme cela.

Vous pensez déjà à la relève ?

Oui beaucoup. Disons que ça fait encore quelques temps j’ai eu la chance d’être soutenu par l’institut Goethe de Lomé et j’ai eu le plaisir de former dix conteurs. Certains qui sont dans ma compagnie ont commencé à jouer la kora, et a en fabriquer aussi. J’accueille encore plein d’amis qui apprennent la technique de cet instrument. Depuis mon retour, mon ami Séraphin et moi sommes entrain de penser à organiser un atelier de conte au centre Odaye.

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