ELKIB, Un Slameur Charmeur

ELKIB

Beau parleur, séducteur, tombeur de femmes. Ce sont là des qualificatifs qui sont souvent collés à ADEDOKUN Kabiru Adio alias ELKIB. Il malmène avec une extrême habilité les mots sans leur infliger des maux. Elkib peut se vanter d’avoir signé le tout premier clip de slam togolais. Très convoité par les artistes de la chanson togolaise, il a réalisé des featurings avec CHARL’OZZO, KEZITA, BRICCE EFY, SLAPA FIRE, FONETIK …

Son talent d’écriture s’est révélé au collège à travers de petits poèmes qu’il griffonnait sur la dernière page de cahier de ses camarades de classe. Aujourd’hui, ELKIB accepte de se laisser découvrir.

Tu es l’un des jeunes togolais à avoir choisi le Slam comme moyen d’expression. Comment est née cette envie?

En 2006, un ami était revenu d’Europe et m’a fait découvrir le slam. Alors qu’en ce moment précis j’avais déjà commencé ma carrière musicale, tendance Soul Rnb et Rap. Du coup, le Slam a pris le dessus.

Le Slam, qu’est-ce que c’est?

Il a été créé dans les années 80 par MARC SMITH, un Américain, qui le définissait comme étant le claquement des mots. Slam veut dire claquer. Mais il ne suffit pas seulement de faire claquer les mots. L’essentiel c’est de véhiculer un message en donnant une sonorité rythmique aux mots. Je peux aussi le définir comme étant un art oratoire qui, à la différence du Rap, ne fait pas usage des mots vulgaires à caractère non éducatif. Le slam est plus conscient et plus responsable que la Rap. Il s’appuie souvent sur les figures de style.

Quel est le profil d’un Slameur?

Il faut avoir un esprit analytique, critique, créatif et celui d’un observateur avisé. Cela n’est pas synonyme de faire de grandes écoles ou d’avoir de grands diplômes. Il faut se mettre au parfum des actualités et faire des enquêtes sur l’évolution de la société afin de mieux cerner les maux qui gangrènent notre environnement.

Dis-nous alors, la finalité de cet art.

Le Slam est beaucoup plus spirituel car il dépasse l’entendement des hommes et propose des solutions sans même les indiquer à la société. Il aiguise les consciences, ameute et inquiète surtout les gens sur certains problèmes qui minent le monde. Il célèbre aussi la beauté, cultive l’excellence et déclare l’amour. Tout dépend de l’angle sous lequel on veut l’orienter. C’est un art qui guérit l’âme à travers des pleures ou des rires… 

Oui, quand et comment se dont déroulés les spectacles auxquels tu as participé ?

Depuis 2006, après mon 1erenregistrement, j’ai parcouru plus de cent scènes.

Tout dernièrement, j’ai accompagné les Toofan au palais des Congrès de Lomé lors de Holidays mix show, j’ai participé à la fête de la musique sur le terrain de Nukafu devant deux milles âmes, j’ai ouvert les festivités des 10 ans de City Musik à l’Institut Français du Togo. C’était des moments de forte émotion. Il faut aussi souligner que je pilote la ‘’crème du Slam’’ qui est organisé périodiquement à Lomé par TRIBU TABOU.

Avec ce parcours riche, le Slameur Togolais  doit avoir une santé de fer…

Nous ne sommes plus à une étape embryonnaire. Notons qu’à chaque grand évènement, au moins, un slameur est invité pour apporter sa touche à la manif. Certes, on ne nous donne pas les mêmes chances d’accéder au showbiz ; Cependant, cela nous permet d’élargir, à chaque occasion, notre audience auprès du public.

Penses-tu que la population comprend grande chose ? Les mots sont renversés, il y a tellement de non sens et de contresens, qu’au finish on ne pige rien.

Le slam, c’est dans toutes les langues, Mina, Ewé, Haoussa, Kotokoli, Kabyè, Moba. Bref, ceci pour être plus proche de nos populations. Pour ceux qui font le Français souvent, il y a de ces jeux de mots qui peuvent troubler la compréhension. Mais, ceux qui maîtrisent correctement la langue de Molière se rendent vite à l’évidence que ces techniques, loin de masquer ou de flouer le message leur permettent de vite capter la quintessence et son importance.

Souvent les textes sont de véritables insultes, ou provocations, ou encore inquiétudes à l’adresse des personnalités qui sont tranquilles dans leur coin. Certaines réactions peuvent être fatales. Est-ce que les risques sont mesurés ?

C’est vrai, c’est un métier périlleux surtout sur le plan politique. Quand on fait du slam, c’est qu’on a des choses à dire et qu’on veut se faire entendre. Nous ne faisons que relater la réalité de notre vécu quotidien. C’est vrai qu’il y a des fois des dérives. Mais, je pense sincèrement que nos textes, loin de provoquer la colère ou la rage d’une tierce personne ou d’une institution, doivent au contraire, servir de source d’inspiration pour conduire la société en toute sécurité vers un vrai développement.

Enfin, pourquoi le slam tarde-t-il à décoller ?

Nous avons des problèmes de visibilité. Notre art n’a pas sa considération chez nous au Togo. Il faut amener le public à avoir un regard plus objectif et plus mature sur sa portée. Il n’y a pas que le football ou la musique qui peut faire la fierté d’un pays. Le slam peut faire mieux. Faites-lui confiance et nous allons transformer notre monde.

 

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