A peine annoncé comme gagnant du prix Tropiques que Kossi Efoui s’est-il rendu à Genève pour recevoir le prix Ahmadou Kourouma pour son roman Solo d’un revenant (Seuil). Mais que se passe-t-il avec ce livre qui a visiblement divisé les membres du jury ? Que se passe-t-il avec un auteur qui ne nous donne rendez-vous qu’une fois tous les dix ans pour commettre un ovni littéraire ? Les présents ont eu droit à une lecture enthousiaste par Efoui d’En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma.
Si la littérature était une tribune, le tribun Efoui serait président… Vu son parcours, lus ses écrits, il y a peu de chance. Adepte de l’écrivain russe Gogol et disciple sur le plan philosophique de Lacan, très polémique à souhait, Kossi Efoui continue de diviser le monde littéraire. Alors qu’on pensait qu’il était peu doué pour le roman, contrairement à son théâtre d’une rare qualité, Efoui vient une fois encore d’inscrire son nom comme un incontournable de la littérature togolaise, après avoir été le premier à rompre la trajectoire monotone et ennuyeuse de la littérature togolaise.
Partisan d’une littérature sans frontière, Kossi a dénoncé, devant un parterre d’écrivains réunis naguère à Bamako par Etonnants voyageurs, ces frontières des pays d’Afrique qui emprisonne… l’Africain. D’ailleurs, Solo d’un revenant commence par le passage d’une frontière intérieure, ” entre Nord Gloria et Sud Gloria “. Les propos sont hérissés de barbelés. Efoui est un coupeur de routes : Incipit : On peut les voir maintenant. On peut les voir marcher à travers les trouées fléchées dans le paysage pour guider les derniers dérivants que la forêt recrache. Par petites échapées. On peut les voir arriver jusqu’à la ligne de démarcation, entrer dans la Zone neutre.
Entre un panneau marqué CHECKPOINT et un autre panneau marqué CHECKPOINT, on entend le crachin des mégaphones. Kossi Efoui est né anfoin au Togo en 1962. Lauréat du Prix Rfi Théâtre en 1989, et du Grand Prix littéraire d’Afrique noire, Efoui est l’auteur notamment de plusieurs pièces de théâtre dont Io, (Edition Le bruit des autres, 2007), L’entre-deux rêves de Pitagaba, (Edition Acoria, 2000), La Malaventure, (Lansman, 1998), Le Petit Frère du rameur, (Lansman, 1995), Le carrefour, (L’Harmattan, 1989).
Excellent nouvelliste, il a écrit Volatiles (Edition Joca Seria, 2006), et des romans comme La Fabrique de cérémonies (Seuil, 2001), La Polka, (Seuil, 1998) Le Prix Ahmadou Kourouma a été décerné pour la sixième fois consécutive dans le cadre du Salon africain du livre, de la presse et de la culture. Le Prix est doté d’une somme de CHF 5’000 soit 3 300 euros, il récompense un ouvrage, essai ou fiction consacré à l’Afrique noire et dont l’esprit d’indépendance, de lucidité et de clairvoyance s’inscrit dans le droit-fil de l’héritage légué par le romancier ivoirien.