Il est au Togo, ce qu’était Francis BEBE au Gabon. Le même engagement culturel et presque la même polyvalence. Notre homme s’appelle Sanvee Allouassio et c’est un artiste comédien, conteur, metteur en scène, musicien et saxophoniste. Tootogo.tv est allé à sa rencontre… et place à l’artiste !
Beaucoup de casquettes pour un seul homme !
Oui, moi je dis que dans notre carrière, il faut toucher à tout, et ce n’est qu’au moment où vous touchez un peu à tout que vous avez de l’inspiration dans tel ou tel domaine. Donc, moi je dis que l’artistique est très vaste. Donc, on ne peut pas se cantonner sur de petits trucs. C’est quand vous essayez d’explorer les autres dimensions que vous vous nourrissez d’avantage.
On dit souvent, qui trop embrasse, mal étreint. Est-ce que vous n’avez pas un domaine de prédilection dans lequel vous excellez mieux que les autres ?
Absolument ! Quand on parle du conte, on sait que dans le conte, il y a le chant, il y a la parole, il y a le rythme, il y a les histoires. Donc, c’est un art pluriel. Donc, si vous voulez faire du conte et vous êtes un comédien africain, si vous ne savez pas chantez, vous ne savez pas danser, vous ne savez pas parlez, mais, qu’est-ce que vous pouvez faire ? Alors qu’il faut savoir exceller dans tous ces domaines là. Donc, qui trop embrasse, mal étreint, il faut savoir embrasser(Rires…)
Et vous embrassez bien les contes on dirait ?
Oui tout à fait. Parce que les contes, c’est la mère de tous les récits, c’est la mère de tous les arts. Au départ, il y avait le conte. Et c’est du conte qu’est sorti le théâtre. Parce que dans la Grèce antique, ce qui se faisait, c’est des récits que des gens racontaient devant un public. Et petit à petit les hommes ont commencé à donner des formes à ces récits, à donner des déplacements, à partager la parole, et puis est venu le théâtre. Donc, pour moi, le conte est essentiel ! On ne peut pas l’abandonner. Dans les temps anciens, le conte, c’était une école. Loin des villages où les enfants apprennent auprès des vieux. Donc ce conte tant à disparaître et je me suis dis, il faut le sauvegarder.
Comment êtes-vous arrivé à cet art, celui de conter ou de faire des récits ?
Je peux dire que je ne suis pas issu d’une famille de griots ni de conteurs. Bon, j’avais commencé l’école comme tout le monde. Pendant les semaines culturelles ont fait des spectacles de théâtre, de récital, de poème, de conte. C’est comme ça que j’ai commencé petit à petit, sans savoir qu’un jour, j’allais embrasser cette carrière. Donc, je me suis formé sur le tas, et puis après j’ai fais partie du théâtre national, et puis après, j’ai fait une école à Paris, ensuite je me suis formé en jouant avec d’autres personnes, voilà.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui voudraient vous emboîter le pas ?
C’est la persévérance. Parce que les jeunes quand ils viennent, ils empressent de vous dire « Ah ! Mr SANVEE, nous voulons bien parlez comme vous ! », Mais quand ils commencent rien qu’avec l’exercice de voix, ils trouvent cela compliqué.et ils te disent : « Parler seulement, il faut tout ça là ? La respiration, le souffle, la diction mais papa c’est trop. Nous, nous parlons déjà non ! ». Voilà leurs plaintes. Je dis mais, parler devant le public ce n’est pas la même chose. La façon dont j’ai parlé devant les gens il y a un instant, diffère de la façon dont je parle maintenant. Donc, pour tenir le langage devant le public, il faut se former sur le plan de la vocale, sur le plan de la diction, sur le plan du souffle. Donc, c’est tout un processus. Donc, ils viennent ceux qui peuvent tenir, et les autres… passent leur chemin !
Justement, on a constaté que très peu sont tentés par la pratique de cet art, (le conte) au Togo, quel est votre projet pour y inciter ? Pour qu’enfin les jeunes emboîtent votre pas ?
Pour que les jeunes emboîtent mes pas, il faudrait que ça les intéresse d’abord ! Parce qu’on ne peut pas forcer quelqu’un pour devenir maçon ou menuisier. Il faut que la chose plaise à l’enfant ou à la personne d’abord. Donc, nous organisons des spectacles soit dans des centres culturels, bon, on vient de terminer une caravane du conte. On a commencé par Yamoussoukro, après on a été à Abidjan, après on est arrivé à Bamako, après Bamako, on a été à Ouagadougou, on a terminé avant hier à Goethe Institut à Lomé. Donc, dans toutes ces tournées, il y a beaucoup d’enfants qui viennent voir. Il faut que la chose plaise d’abord. Et quand ça t’aura plu, peut être que tu vas dire, moi aussi je vais faire comme lui. Et voilà, à Goethe, il y a des enfants qui m’ont approché. Comme j’ai formé d’autres enfants, je leur ai dit, approchez-vous de ceux que j’ai formé. Il faut commencer par le B.A. BA. On ne peut pas commencer à la classe de première (Rires…), alors qu’il y a le CP1.
Aujourd’hui, Monsieur Allouassio, est-ce que le Togo a vraiment une culture spécifique ?
On a une grande culture, mais il faudrait que cette culture soit soutenue financièrement. Parce que la culture, c’est l’argent. C’est-à dire que quand les blancs investissent, ils investissent pour qu’il y ait de la promotion de leur culture. Par exemple en France quand on donne des subventions pour faire des spectacles, c’est pour aider les gens. Ce n’est pas pour qu’ils viennent pour que, si on donne par exemple cent millions, il faudrait que tu rapportes cent cinquante millions à celui qui te les avait donnés. Non ! C’est des subventions seulement pour aider à la création. Bon, on a commencé au Togo par un fond d’aide à la culture, je crois que petit à petit, l’oiseau fait son nid hein ! (Rires…)
SANVEE Allouassio, où est-ce qu’on peut trouver vos œuvres ?
Il faut dire que moi, je suis dans l’art vivant. Je suis en live. Je n’ai pas de cassette, je n’ai pas de DVD, mais mes spectacles, c’est dans les salles et en direct. Vous venez et vous voyez. Bon, je pense enregistrer les choses, mais je n’ai pas encore fait.
Qu’est-ce qui vous empêche de le faire ?
Quand vous mettez un produit sur le marché, la piraterie est terrible hein ! On copie tout et vous êtes là. Alors que vous avez dépensé de l’argent pour louer un studio, pour louer un cameraman et vous faite le produit et il y a d’autres qui en profitent. Donc je pense qu’il faut arriver à trouver un système qui puisse bloquer la piraterie pour que les artistes puissent vivre honnêtement de leur art.
Pour terminer, est-ce que vraiment vous vivez de votre art ?
Je vis de mon art. Pleinement. Les gens « mon père n’était pas d’accord pour que je fasse du théâtre, etc. ». Mais, moi je n’ai fait que ça. Cela fait quarante ans que je suis dedans. Donc, moi je vis de mon art. Il faut savoir comment l’embrasser. Et comment l’embrasser ? C’est le travail. Il faut travailler.
SANVEE Allouassio, je vous remercie.
Merci beaucoup