Le phénomène de taxi-moto communément appelé « Zémidjan » ou « Oléyia » est né au Togo vers la fin des années 92 à la faveur de la grève générale illimitée qu’à connue ce petit pays de la cote ouest africaine. Un fait banal qui au jour le jour a pris de l’ampleur… Il sonnait à peine 6 h du matin à Hédzranawoé, (périphérie nord de Lomé).
Michel Amouzou fait un crochet chez la vendeuse de riz du coin, noue une pochette à son cou, enfourche sa moto et prend le macadam à toute allure. Il fait sa première escale au premier point de revente d’essence frelatée dit « boudè » pour se ravitailler.
Puis, le voila en ville pour la « chasse » aux clients. A l’image de Michel Amouzou, ils sont des dizaines de milliers de jeunes togolais qui ont trouvé en la conduite du taxi-moto, un emploi décent pour survivre. « J’exerce ce métier de conducteur taxi-moto il y a 8 ans; et grâce cela, j’arrive à subvenir aux besoins de ma famille », confie Michel Amouzou, affectueusement appelé « Michou » par ses fideles clients. L’expression « Zemidjan » ou encore « Zem » pour designer un conducteur de taxi-moto est venu du Bénin. Ce qui signifie en langue fon (1ère langue du Bénin) « prends-moi vite ». Depuis quelques temps, avec le pullulement des motos « made in China » sur le marché togolais, l’on assiste à la recrudescence des accidents, puisque les marques de motos qui ne faisaient pas office de taxi moto sont rentrés dans la danse.
Aujourd’hui c’est les marques Sanili, Access, Léopard moto etc (importées de Chine et Corée) qui tiennent le haut du pavé, parce qu’offrant plus de confort et de capacité de transport (allant jusqu’à 4 personnes et bagages). Au Togo, on dénombre plus de 100. 000 conducteurs de taxi motos. Cette progression démesurée du parc de taxi-motos s’explique en grande partie par l’arrivée sur le marché togolais des motos de marques chinoises et coréennes : Sanili, Access, Léopard moto etc. Des engins moins coûteux entre 160. 000 et 350. 000 F CFA (soit 245 à 540 euros) par rapport à la traditionnelle Mate qui se négocie entre 500 000 et 700 000 F CFA (765 et 1070 euros) sur le marché. « Maintenant, tout le monde s’improvise zémidjan parce qu’il y a beaucoup de chômeurs en ville. Ce qui fragilise notre job », reconnaît Fo Kokou, très remonté. Et d’ajouter que « ces jeunes inexpérimentés sont la cause de plusieurs accidents observés dans le pays ».
En temps normal, un « zem » gagne 3000 à 4000 F CFA (environ 7 euros) par jour. « Avec l’arrivée des conducteurs occasionnels, notre revenu mensuel tourne autour de 75 000 F CFA (115 euros), soit 2500 F CFA par jour », confie Michel. Cependant, ce revenu est meilleur, vu les soucis quotidiens auxquels sont confrontés les « Z ». En effet, pour combler le déficit causé habituellement par les « coupeurs de route », c’est-à-dire les policiers véreux qui les bousculent pour la vérification des pièces du moteur, les conducteurs de taxi moto sont parfois obligés de remorquer jusqu’à 3 personnes. Ajoutés à l’état comateux de nos routes, tout est prêt pour avoir un cocktail Molotov; entendez, un accident de circulation.
Malgré qu’ils détiennent le fort taux d’accident de la circulation, le phénomène « Zémidjan » tient une place de choix dans la vie économique du Togo. Malgré la dureté de la vie, les « Zem » restent ceux là qui font courir les filles de la capitale, car avec eux, « on est sur de faire ses courses sans dépenser », dit Rachel, tresseuse. En plus, « ils sont parmi ceux-là qui puissent t’assurer le « kom » quotidien (pate à base maïs qu’on mange avec du piment et du poisson frite) », ajoute Mireille. Au-delà du profit que tire les jeunes filles de Lomé du phénomène de taxi-moto, les concernés eux-mêmes nous rassurent que c’est un « profit vise-versa », donc chacun a pour son compte.